Ariens 915067 - 1740 User Manual Page 8

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ses intervalles très amples, recourt elle aussi au rythme de la sarabande. C’est en rité elle
qui souffre, ce que Mozart exprime admirablement à travers le chromatisme descendant de la
basse qui accompagne son chant, suivant le modèle typique de la “basse de lamento”.
À des ensembles, parmi lesquels le duo de réconciliation entre Sandrina et Belfiore témoigne
lui aussi d’une nouvelle approche musicale de la situation inhérente au duo, à la manière d’un
finalen chaîneouvert, c’est avant tout dans les arias que Mozart, âgé maintenant de dix-huit
ans, apporte la preuve de sa grande maîtrise dans la caractérisation musicale des personnages
et des situations. Pour ce qui est de la forme des airs, le compositeur disposait dans l’opéra
bouffe d’une liberté bien plus grande que dans l’opéra seria, liberté dont Mozart ne se prive pas
de faire usage. Ce sont pourtant moins les caracristiques formelles que les aspects affectifs qui
rendent compte des progs considérables accomplis depuis La finta semplice. Cela concerne
me des types d’airs aussi traditionnels que l’airdu catalogue” “Da Scirocco a Tramontana
(Du Sud au Nord), dans lequel Belfiore, soutenu par les accents souverains de la trompette,
cite en un geste aussi pompeux que monotone l’impressionnante litanie de ses antres, ou
l’aria instrumentale Dentro il mio petto io sento(Dans mon cœur j’entends), dans laquelle
le jeu de la flûte et du hautbois rend perceptibles les sentiments harmonieux du Podestà
amoureux, avant que trompettes et timbales, bassons et contrebasse ne lent, dans le texte
de l’aria comme dans la partie d’orchestre, qu’il est finalement submerpar le sespoir. Mais
une fois de plus, cela concerne avant tout les airs de la protagoniste, dans lesquels Mozart
ploie toute la palette des possibilités d’expression, émotionnelles et sociales.
Lorsque la comtesse Violante joue la jardinière devant Ramiro, elle imite dans son air
d’entrée (“grazioso”) “Noi donne poverine (Nous autres, pauvres femmes) ce ton
sentimental et en apparence naturel que Niccoló Piccinni avait rendu célèbre dans des airs
comme celui de Cecchina dans La buona figliola, “Una povera ragazza” (Une pauvre fille).
Rien dans cet air très simple de Violante, simplement accompagné aux cordes, n’indique
que sous les atours de la jardinière se dissimule une comtesse ; d’un autre côté, la musique
ne comprend aucun élément de nature à caractériser à coup sûr la jardinière comme une
fille d’humble condition, issue du peuple. Et lorsque, seule sur scène, Violante déplore
son destin dans la cavatine “Geme la tortorella” (La tourterelle se lamente), ce n’est pas
seulement le texte, sous la forme d’un air “allégorique”, mais aussi la musique, avec toute
la richesse de ses nuances sonores, mélodiques et harmoniques, qui trahit l’ascendance
noble de la jardinière, sans pourtant que la musique ne laisse transparaître le moindre
trait héroïque. Un abîme sépare les deux airs “Noi donne poverine” et “Geme la tortorella”,
pourtant identiques dans l’accompagnement orchestral et l’indication de mesure. La texture
sonore violons avec sourdine et pizzicati aux cordes graves, triolets de doubles croches
aux seconds violons et motifs délicats, correspondant aux coloratures de la voix chantée – ,
l’hésitation entre majeur et mineur ainsi que l’entrée de la voix au beau milieu de la cadence
de la ritournelle orchestrale, qui permet d’opérer une véritable fusion entre le chant et la
partie instrumentale, tout cela contribue à combiner une exégèse textuelle traditionnelle et
une description orchestrale de la nature, d’où résulte un épanchement sentimental d’une
beauté arcadienne littéralement enchanteresse.
La grande scène qui précède le second final, et qui commence par l’air en ut mineur “Crudeli,
fermate” (Cruels, arrêtez !), menant d’abord à un récitatif accompagnato, puis à la cavatine
en la mineur “Ah dal pianto, dal singhiozzo(Ah, de pleurs et de sanglots), puis enfin à
un autre accompagnato, est, avec son désespoir si violemment exprimé, à la manière de
l’aria agitata (les deux airs sont précédés de la même indication Allegro agitato”), à ce
point représentative du domaine expressif de l’opéra seria que dans le contexte de cette
comédie à quiproquo, elle fait presque l’effet d’un corps étranger. La musique s’abstient de
toute distance ironique, qui pourrait faire du malheur de Sandrina un objet de railleries. À la
différence de son air d’entrée, dans lequel elle maîtrise parfaitement son attitude, Sandrina
apparaît ici comme un personnage littéralement pourchassé, dont le malheur égale bien
celui des héroïnes d’opéra seria comme Aspasia ou Giunia.
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Sont-ce ces arias qui ont inspiré à l’écrivain et critique musical d’Augsbourg Christian Daniel
Schubart le jugement prophétique qu’il formula sur Mozart ? Après avoir assisté à une
représentation, il s’exprime en ces termes dans la revue qu’il éditait lui-même sous le titre
Teutsche Chronik [Chronique allemande] : “J’ai également entendu un opéra bouffe de ce
merveilleux génie qu’est Mozart. Il s’intitule : La finta giardiniera. Des flammes de génie
fusent çà et là, mais ce n’est pas encore ce feu calme et tranquille qui s’élève depuis l’autel
vers le ciel dans des nuées d’encens. Si Mozart n’est pas une plante de serre, il deviendra
un des plus grands compositeurs qui aient jamais existé.” (Teutsche Chronik, 34
e
livraison,
27 avril 1775, p. 267).
En dépit du grand enthousiasme suscité par cet opéra d’un jeune homme à peine âgé
de dix-huit ans c’est avec fierque Mozart évoque dans une lettre à sa mère restée à
Salzbourg les tonnerres d’applaudissements et de bravos qui saluèrent la première La
finta giardiniera ne connut que trois représentations. Une version “Singspiel” en langue
allemande, comprenant des dialogues parlés et réalisée en 1779 à Salzbourg en collaboration
avec la troupe de comédiens de Böhm, fut donnée en 1780 à Augsbourg et plus tard encore
à Francfort sur le Main et à Mayence. Mais il fallut attendre plus de dix ans pour que Mozart
compose un autre opéra bouffe.
in: S. Leopold (éd.), Mozart-Handbuch
© 2005 Bärenreiter-Verlag, Kassel
Traduction Elisabeth Rothmund
Reproduction (et traduction) avec l’aimable autorisation de l’éditeur.
3. Respectivement dans les opéras de Mozart Mitridate, re di Ponto et Lucio Silla.
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