Ariens 915067 - 1740 User Manual Page 15

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La finta giardiniera
Une version retrouvée
Milada Jonášová
Prague, on le sait, a toujours fait preuve d’une exceptionnelle compréhension de l’œuvre
de Mozart – et ce, du vivant même du compositeur. Mais il apparaît aussi, à la lumière des
recherches récentes, que la métropole tchèque joua un rôle de premier plan dans la diffusion
des œuvres de Mozart à travers l’Europe. En témoignent non seulement les copies pragoises
de l’époque Don Giovanni à Karlsruhe et Hambourg, Idoménée à Florence, Les Noces de
Figaro à Berlin, Così fan tutte à Dresde ou La Clémence de Titus à Zurich –, mais également
le destin particulier de l’opéra La finta giardiniera. L’œuvre fut d’ailleurs le huitième opéra
de Mozart que le public pragois put découvrir, le 10 mars 1796, après avoir applaudi sur les
scènes de la capitale L’Enlèvement au sérail, Les Noces de Figaro, Don Giovanni, Così fan
tutte, La Clémence de Titus, La Flûte enchantée et Le Directeur de théâtre.
Le mérite de cette découverte revint essentiellement à l’éminent contrebassiste Anton
Grams (1752-1820), membre de longue date de l’orchestre du Théâtre Nostitz et fondateur
du plus important atelier de copistes de Prague. De 1795 jusqu’en mars 1797, il fut aussi
à la tête du Théâtre patriotiquetchèque “U Hybernů (“Bei den Hibernen”, ainsi appelé
parce qu’il était situé dans un ancien couvent de moines irlandais), il avait auparavant
organisé en directeur averti la première représentation tchèque du Schauspieldirektor
(27 avril 1794).
Avant la création pragoise de cette Feinte jardinière, annoncée comme “Mozartsche Novität”
(“une nouveauté mozartienne”), on pouvait lire dans le Prager Neue Zeitung que “das
hiesige k.k. privil. vaterländische Theater in der Neustadtprésenterait “pour la première
fois, jeudi 10 mars, un excellent opéra de feu Herr Wolfgang Amade Mozart, intitulé Die
Gärtnerin aus Liebe qui, de par sa nouveauté comme sa rareté, devrait combler les vœux de
tout véritable amateur de musique, puisque ce chef-d’œuvre d’un compositeur inoubliable
est le seul, parmi ses ouvrages célèbres, à n’avoir encore jamais été représenté sur scène.
On peut donc, en toute confiance, augurer le meilleur accueil pour cette œuvre encore jamais
vue.” (L’affirmation erronée selon laquelle l’opéra n’aurait “encore jamais été représenté sur
scène” répond sans doute à une intention “publicitaire”.)
Étant donné que les opéras représentés au théâtre U Hybernů étaient chantés soit en
allemand, soit en tchèque, mais pas en italien, il ressort du passage cité que cette Giardiniera
fut donnée à Prague dans sa version allemande, sous le titre Die Gärtnerin aus Liebe. Le livret
imprimé, les affiches de théâtre, les informations sur les interprètes et les représentations
ultérieures, les critiques, rien de tout cela comme pour la première absolue de l’opéra en
1775 à Munich – ne nous est parvenu.
La première mise en scène pragoise de cet opéra de jeunesse de Mozart rencontra bien vite
des échos et non des moindres – en Moravie et en Silésie. Une partition de la Giardiniera
provenant de l’atelier de copistes de Grams parvint aux mains d’un amateur de musique
enthousiaste, le comte Heinrich Wilhelm Haugwitz (1770-1842), qui la destina au théâtre privé
de son château de Náměšť nad Oslavou, en Moravie. Le comte, lui-même bon violoniste,
depuis qu’en 1794 il avait pris possession du domaine de Náměšť, ne vivait littéralement que
pour ses représentations musicales privées et, avec les musiciens qu’il s’était attachés, il fit
représenter, outre la Giardiniera de Mozart, plusieurs ouvrages de Gluck. Plus tard, il semble
que sa prédilection allât plutôt vers les œuvres de Haendel, qu’il fit souvent exécuter, et,
dans les années 1830, l’ensemble des musiciens de son château aurait compté plus d’une
soixantaine de membres. Mentionnons également, parmi les pièces rares contenues dans
l’impressionnante bibliothèque musicale de Haugwitz, la partition autographe du Requiem
d’Antonio Salieri, dédié au comte morave et exécuté pour la première fois dans la chapelle
du château de Náměšť. C’est dans cette collection (près de 1400 ouvrages) qu’une copie
d’époque de la partition de la Giardiniera a été retrouvée en 1965, grâce aux recherches
du musicologue munichois Robert Münster. Elle constitue à ce jour l’unique source connue
contenant le texte original italien pour les trois actes, y compris les récitatifs secco du
premier acte dont la partition autographe a été perdue. C’est sur les bases de cette copie de
Náměšť qu’il a été possible, dans le cadre de la Neue Mozart Ausgabe, de publier la version
italienne complète de l’opéra, contenant pour la première fois le premier acte. À propos
de cette partition de Náměšť, les éditeurs écrivent : “Quel est le rapport de cette copie au
manuscrit autographe ? Il est difficile de le dire. On peut affirmer avec certitude que cette
partition, établie vers la fin du xviii
e
siècle, n’a pas été directement copiée du manuscrit qui, à
cette époque, était déjà incomplet.” En outre, plusieurs numéros de la partition comportent
également un texte allemand différent de la traduction utilisée par Mozart pour sa version
Singspiel, par rapport à laquelle elle présente de nombreux écarts (Abweichungen”) dans
sa structure musicale même. Parmi les plus manifestes, de fréquentes coupures dans les
arias. Sur un ensemble total de 24 airs, 13 ont été abrégés (en particulier les numéros 2, 3, 5,
7, 13, 15-18) ; non, comme à l’ordinaire, par des biffures sur la partition : dans le cas des airs
cités, certaines parties ont tout simplement disparu dans la copie. Les coupures concernent
en premier lieu leurs introductions instrumentales. Curieusement et c’est sans doute le
plus intéressant dans cette copie de la Giardiniera l’accompagnement orchestral a été au
contraire, dans certains cas, enrichi de parties d’instruments à vent absentes de l’original, à
savoir 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes et 2 cors. Les sources provenant de Náměšť ne nous
permettent malheureusement pas de savoir qui est l’auteur de ces parties rajoutées et ni
les comparaisons, souvent laborieuses, avec d’autres sources locales les plus importantes
sont les parties d’accompagnement conservées, signées de copistes locaux et anonymes
ni la copie du livret italien de l’opéra n’ont pu nous éclairer sur ce point.
De nouvelles informations, en revanche, nous sont livrées par une autre copie pragoise de
la partition de la Giardiniera, provenant du fonds musical du château d’Oels, en Silésie
aujourd’hui conservée à la Landesbibliothek de Dresde. Il s’agit en l’occurrence de la version
Singspiel de l’opéra, avec le texte allemand seulement et sans les récitatifs ; néanmoins,
cette copie présente les mêmes modifications dans la structure musicale que celle de
Náměšť : mêmes coupures dans certains airs et mêmes ajouts de parties d’instruments à
vent. L’observation du papier utilisé et de l’écriture manuscrite du copiste permet d’affirmer
que la partition d’Oels est de la même provenance que celle de Náměšť : toutes deux ont
été établies à Prague, et plus précisément dans l’atelier d’Anton Grams. Ajoutons à cela
que c’est à Prague, également, qu’a été réalisée la nouvelle traduction allemande du livret.
Reste la question, pour l’instant sans réponse, de savoir qui, parmi les musiciens pragois,
est l’auteur de ces parties instrumentales rajoutées : on peut néanmoins affirmer, d’après
l’élégance et la justesse de l’écriture, qu’il s’agissait d’un parfait connaisseur du style de
Mozart.
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