Ariens 915067 - 1740 User Manual Page 12

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
La réorchestration de Prague nous aide à interpréter ce difficile chemin comme une
“épreuve au sens des opéras initiatiques de la fin du xviii
e
siècle. Si les clarinettes, ces
nouvelles venues dans l’orchestre classique, que Mozart aimait tant, viennent, le plus
souvent associées aux flûtes, remplacer avec leur timbre pur, clair, magique, les vieux
hautbois de la version initiale, elles semblent jeter sur les deux candidats” que sont Sandrina
et Belfiore une lumière purifiante : celle de la raison, qui ne triomphera qu’à la fin de l’opéra
de l’obscurides préjugés. Sans qu’il soit nécessaire de modifier un seul mot du livret, la
nouvelle instrumentation parle une langue parfaitement intelligible pour de nombreux amis
et connaissances de Mozart à Prague, ainsi que pour de nombreux frères maçons, parce qu’à
travers sa symbolique musicale, ce sont bien des pensées maçonniques qu’elle exprime.
Les exemples suivants illustrent toute la profondeur apportée par la nouvelle instrumentation
au livret de Petrosellini :
N
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4 Sandrina plore le triste sort fait aux femmes. En tant que Violante, elle en a été si
profondément affectée qu’elle souhaite mourir. Mais elle ne chante pas dans un style adapté
à une héroïne tragique : la marquise en effet doit “jouer” la jardinière vis-à-vis de Ramiro,
et s’exprime donc dans un style musical plus léger qui correspond davantage à son identité
“travestie”. La version de Prague ajoute aux cordes de la version initiale une harmonie
d’instruments à vent “transfigurante” qui trahit sa véritable identité.
N
o
6 Belfiore paraît pour la première fois sur scène. Il n’y a que dans la version de Prague que
l’on devine qu’en dépit de son caractère ridicule, il va lui arriver quelque chose de particulier.
Des clarinettes remplacent les hautbois de la version originale. Conjointement avec deux flûtes
supplémentaires, elles laissent entendre que le prélude orchestral écrit dans la tonalité
mystiquede Mi bémol majeur marque le début du parcours initiatique qui, mieux vaut tard
que jamais, fera de lui un homme.
N
o
8 L’“air de la néalogiede Belfiore dans la copie conservée à Dresde de la version
de Prague, il est attribué au Podestat représente la traditionnelle aria de catalogue” des
opéras comiques de l’époque. La distribution standard de l’orchestre préclassique (deux
hautbois, deux cors) figurait déjà dans la version originale, augmentée de deux trompettes et
des timbales. La version de Prague recourt, quant à elle, à l’orchestre complet. À l’énumération
de la totalité des célèbres ancêtres de Belfiore correspond celle de tous les instruments
disponibles dans l’orchestre, dont la virtuosité suffisante imite la vanité du comte et la
tourne en dérision.
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12 (Finale I) Pour ce qui est de la richesse de l’invention et de la subtilité avec laquelle
elle s’adapte aux situations changeantes de l’action, la réorchestration pragoise des deux
grands finales est tout à fait comparable à l’instrumentation réalisée par Mozart pour les
finales de Da Ponte. À partir de la mesure 248, l’adaptateur pragois cite et varie un motif
de Figaro, l’une des compositions de Mozart les plus appréciées à Prague. Avec son rythme
marquant ( ), il est rapidement “démasqué” comme “motif de réconciliation” du finale
du deuxième acte de Figaro (à partir de la mesure 226 dans Figaro). Dans le dernier passage
(più allegro), le tutti des chanteurs de la version originale est interrompu par un silence dans
toutes les parties. Cette pause générale est suivie par deux mesures mystérieuses confiées
aux cordes seules. Dans la version pragoise le sens caché est “clarifié” par l’ajout d’un écho
de ces mêmes deux mesures, jouées par les instruments à vent et soutenues par Sandrina
et Belfiore (“Che smania orribile !”). Cet écho fait l’impression d’un encouragement venu du
ciel” de la raison, incitant à persévérer sur le chemin de l’initiation.
N
o
13 – Dans cet air de furie d’Arminda – et dans celui qui lui répond, à savoir l’air de Ramiro
dans le troisième acte (n
o
26) on peut regretter l’absence, dans la version de Prague, des
deux cors supplémentaires présents dans l’original. Tandis que le timbre démoniaque
de quatre cors dans la version originale semble anticiper l’Elettra furieuse d’Idoménée,
l’harmonie des vents plus équilibrée dans la version de Prague (deux cors seulement, mais
en contrepartie, un élargissement des parties de hautbois et de basson) nous rappelle le
caractère plus humain d’Elvira dans Don Giovanni.
N
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15 Dans la partie finale de cet air de Belfiore, l’adaptateur pragois nous surprend par une
nette amélioration dramaturgique par rapport à la version originale. Pendant la déclaration
de Belfiore à Sandrina, le Podestat jaloux est entré clandestinement dans sa chambre. Il tire
profit du trouble dans lequel sont plongés les deux amoureux pour s’immiscer entre eux, de
sorte que Belfiore baise par mégarde la main du Podestat, et non celle de Sandrina. Dans la
version de Prague, l’Allegro qui suit est chanté alternativement par le Podestat et Belfiore,
et non par le seul Belfiore comme dans la version initiale, ce qui renforce considérablement
l’effet bouffe.
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23 (Finale II) Mi bémol majeur : une étape supplémentaire dans le parcours initiatique
du couple, qui a commencé avec la cavatine n
o
6 de Belfiore dans cette même tonalité – celle
du “sublime”, des “arias d’ombre” baroques, de La Flûte enchantée. Un paysage d’horreur,
sombre, évoquant le Piranèse (cf. p.103), traversé de ruines et d’éboulis, dans lequel
Sandrina a été bannie : les protagonistes, ici, ne perdent pas seulement leurs repères, mais
par là-même aussi l’esprit c’est en quelque sorte la dernière épreuve sur la voie qui les
mène à la raison. Leurs accès d’égarement communs dans lesquels les voix sont le plus
souvent conduites de manière parallèle, produisent un effet parfaitement grotesque. Ou
plus exactement un effet “clownesque”, dans la mesure les deux aspirants à l’initiation
semblent se transformer en de tristes clowns de cirque, sujets aux railleries du “public”
présent sur scène. On ne peut qu’admirer le sens stratégique avec lequel l’adaptateur
recourt ici aux trompettes et aux timbales, par exemple lorsqu’un soudain roulement de
timbale se transforme en tonnerre annonçant l’orage, que le couple en délire chante. Alors
que dans la version originale l’orage n’était encore qu’imaginaire par son instrumentation
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