Ariens 915067 - 1740 User Manual Page 14

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
En partant de l’idée que les coupures de la version pragoise sont à mettre sur le compte
d’une situation exceptionnelle liée à des circonstances particulières de l’époque mais hors
de propos aujourd’hui dans l’optique d’une représentation scénique ou d’un enregistrement
(inquiétude liée à la longueur excessive de l’œuvre ?), nous avons décidé d’en retenir un petit
nombre seulement (ne s’agissant que de raccourcissement d’introductions orchestrales).
Toutes les autres sections coupées ont été rétablies – incluant les parties supplémentaires de
l’orchestration de Prague. Nous avons été très économes en ce qui concerne les coupures dans
les récitatifs, indispensables dans une production scénique.
6
VI. La joie du travestissement
Les ressemblances indiscutables entre la version pragoise de La finta giardiniera et le style
orchestral tardif de Mozart semblent correspondre à la proximité frappante entre les poètes
Petrosellini et Da Ponte. Les deux librettistes ont par ailleurs fait leurs preuves comme
adaptateurs de Beaumarchais, Petrosellini pour Paisiello (Le Barbier de Séville) et Da Ponte
pour Mozart (Les Noces de Figaro). Dans La finta giardiniera, nous rencontrons sans cesse
des expressions qui nous sont connues. Ainsi Serpetta déplore-t-elle sa vie ennuyeuse en
tant que cameriera” de manière analogue à sa collègue Despina (dans Così), et son “Chi vuol
godere il mondo” (n
o
20) anticipe l’air “Una donna a quindici anni” de cette même Despina.
Lorsque Belfiore compare son indestructible fidélité à un rocher dans la mer agitée, il est
tout aussi peu crédible que Fiordiligi dans Così (“Come scoglio”). Les paroles du Podestat et
de Serpetta lorsqu’ils pénètrent le paysage d’horreur du second finale (“Camminando così
al buio… sola sola, piano piano”) se retrouvent, condensées, dans la bouche d’Elvira dans
Don Giovanni : “Sola sola, in buio loco”. Lorsqu’Arminda coupe la parole au Podestat au
troisième acte, l’empêchant de terminer la citation annoncée “Toutes les femmes sont plus
ou moins...”, Don Alfonso n’aurait aucun mal à compléter la phrase…
Un opéra, dans lequel deux personnages feignent du début à la fin une identité qui n’est
pas la leur, nécessite des chanteurs qui – comme Basilio (dans son rôle double de Curzio),
Bartolo (en tant qu’Antonio), Leporello (en tant que Giovanni), Giovanni (en Leporello) et
Despina (déguisée en médecin et en notaire) dans les opéras de Da Ponte mis en musique
par Mozart prennent plaisir à déguiser leurs voix et qui en sont parfaitement capables.
Il n’y a que de cette manière que les scènes de folie commune, clownesques, du couple
Sandrina / Belfiore peuvent avoir de l’effet la fin du 2
e
et au début du 3
e
acte). Mozart
compte sur une Sandrina qui puisse chanter avec les voix d’une nymphe (Cloris), d’un
monstre (Medusa) et d’un personnage de la Jérusalem libérée du Tasse (Erminia), et sur un
Belfiore qui puisse “inventer” une voix de berger (Tircis) et deux voix de dieux distinctes
(Hercule et Mercure).
6. À Munich déjà, on procéda à un certain nombre de coupures (dans les récitatifs et les airs). Elles sont marquées en rouge ou par des collages dans
la partition autographe de Mozart.
Ce plaisir du travestissement doit aussi s’exprimer dans l’orchestre. Lorsque le couple en
proie au délire se travestit en bergers, les hautbois doivent se transformer en chalumeaux
et le pizzicato des violons faire croire à la lyre d’Orphée. Au besoin, le continuo aussi peut
prendre part à ce “bal masqué” avec un clin d’œil au public : par exemple lorsque le
violoncelle du continuo imite à deux voix la “lira da braccio” parfaitement anachronique,
pour accompagner Erminia, ou que le basson solo soutient Mercure improvisant des traits
d’accompagnement un peu “fou”. Enfin, dans La finta giardiniera, trois airs (n
o
8, 14 et 25)
fonctionnent en réalité comme de “pseudo-ensembles” parce qu’ils sont destinés à un
ou deux personnage(s) sur scène qui réagissent de manière visible ou audible à ce qui est
chanté. Cette pratique remontant à Goldoni est également utilisée par Da Ponte, par exemple
dans l’air de Susanne “Venite, inginocchiatevi” dans Figaro : on ne saurait l’imaginer sans
réaction de la part de la comtesse ou de Cherubin. Dans un enregistrement, de telles
réactions (improvisées) doivent naturellement être audibles et surprendre l’auditeur, voire
le déranger. À quelques moments et dans le feu de l’action (comme c’était l’usage à l’époque
bien plus que de nos jours), nos chanteurs-acteurs s’écartent du texte imprimé du livret, de
la même manière que l’adaptateur anonyme de la version de Prague n’a pu s’empêcher une
fois seulement de modifier quelque peu le texte musical de Mozart dans la reprise du n
o
8.
Un péché ? Un sacrilège ? Peut-être – mais un péché par amour : “per amore.”
Traduction Elisabeth Rothmund
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